Majora's Mask : Notions d'empathie et d'espace-temps

À propos de ce dossier

Analyse sur un épisode différent, à travers deux notions essentielles au jeu : l'empathie et le temps.


Bourg-Clocher, capitale temporelle

Bourg-Clocher. Le point d'ancrage du jeu, le commencement et à la fois la fin. Toute action effectuée dans le jeu semble nous ramener vers Bourg-Clocher. C'est un centre géographique, puisque la ville est au milieu de la carte du jeu, mais pas seulement.

Il y a d'abord la sensation de déjà-vu, omniprésente dans le jeu mais plus particulièrement dans Bourg-Clocher. La ville est en effet pensée de façon à ce que chaque mouvement et geste des PNJs soit synchronisé à un temps précis. Concrètement, il est possible d'influer sur ces mouvements, mais ces derniers deviennent en réalité des conséquences du choix du joueur ; la ville n'est en aucun cas gérée aléatoirement, tout est pré-calculé et le fait de revivre les trois même jours durant tout le jeu rend la chose encore plus flagrante. C'est pour cela qu'on connait si bien la ville après quelques heures de jeu.

Le facteur, Anju et Kafei, l'astronome, l'auberge, la banque, le Milk-bar.. autant de lieux et de personnages qui font le charme de Bourg-Clocher. Il se déroule une véritable vie dans le jeu, avec des relations entre personnages poussées ; le joueur est en quelque sorte tout puissant, car il peut, grâce au chant du temps, influer ou pas sur ces relations et sur la vie au sein même de Bourg-Clocher. On peut considérer Bourg-Clocher comme une sorte d'origine temporelle : plus on s'éloigne de Bourg-Clocher, plus le temps est derrière nous, et plus l'échéance approche. Lorsque le chant du temps est utilisé, tout repart à zéro, de Bourg-Clocher. La quiétude revient alors, il nous reste à nouveau du temps pour changer les choses, et l'anxiété disparaît.

Il y a bien une sensation de stress et de manque de temps dans le jeu, et elle est étrangement accompagnée par ce sentiment de déjà-vu, et donc de confort. C'est d'ailleurs ce qui se passe quand le chant du temps est joué : un soulagement s'installe, non seulement car la progression est sauvegardée, mais aussi parce que le compteur des trois jours revient à zéro et Link est en lieu sûr, à Bourg-Clocher. On sait d'avance ce qu'il va se passer, mais pour autant si le cours des choses doit changer, il faut provoquer ce changement. C'est cet antagonisme qui est l'essence même du jeu.

Antagonisme que l'on perçoit en permanence en parcourant Majora's Mask, et particulièrement lors des premières heures de jeu, avant et pendant l'arrivée à Bourg-Clocher. L'action prend place d'une façon assez inédite et inattendue. On se retrouve dans la forêt, dépourvu d'Epona et de l'ocarina, sans connaître l'identité du trouble-fête. Et surtout, dès le début du jeu, le personnage de Link disparaît à cause de Skull Kid. Il devient alors un mojo, protagoniste aux antipodes de ce que Link pouvait symboliser : bravoure, courage, force. Le visage de la nouvelle forme du héros est marqué par le malheur et le désespoir, deux thèmes centraux dans le jeu. Intervient alors le vendeur de masques, un personnage à la fois essentiel et secondaire. En effet, si il est à la source de l'intrigue et du scénario du jeu, il n'apparait au final que très peu.

Le principal élément de gameplay prend alors forme : vous avez 72 heures pour retrouver Skull Kid afin de récupérer son masque maléfique et de l'apporter au marchand de masques. Le début du jeu est aussi marqué par l'impuissance de Link à faire quoique ce soit. Pour pouvoir atteindre le sommet du Clocher, il lui faudra trois jours et beaucoup d'interactions/d'échanges pour arriver à ses fins. Lors de la première rencontre avec Skull Kid, il n'est pas en mesure de l'éliminer, mais seulement de récupérer son ocarina afin de remonter les 72 heures. Intervient alors la seconde intrigue : Link doit empêcher la Lune de s'écraser sur Bourg-Clocher, et pour cela il va faire appel aux quatre géants, éparpillés à travers tout Termina.

C'est à ce moment là que va s'installer la routine si caractéristique de Majora's Mask. Vous avez la capacité de remonter ces trois jours, et de recommencer si nécessaire. Seulement, si vous vous lancez, il vous faudra effectuer une partie de quête assez conséquente avant de sauvegarder grâce au chant du temps, sous peine de perdre votre progression. Encore un antagonisme au sein même du gameplay, et à l'origine de deux choix : vous pouvez avancer dans l'intrigue principale, ou bien explorer le monde et découvrir toute la richesse du background. Quel que soit le choix, il s'avère que des objets jouent un rôle essentiel dans le jeu : les masques.

Dossier réalisé par Hoyale, le 10 juillet 2013