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La Triforce selon Platon
Professeur de philosophie et fan de Zelda à ses heures, Alexis Dayon nous propose ce dossier, où il fait un parallèle habile entre le mythe de la Triforce et la pensée de Platon.
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Tandis que Platon s’interroge, au livre IV de La République, sur les différents caractères que présentent les hommes et sur les métiers à leur attribuer afin que les tâches soient harmonieusement réparties au sein de la Cité, il en vient à dresser un parallèle entre l’organisation politique des hommes dans une société et l’organisation vivante d’une âme dans un individu. Aux yeux de Platon, en effet, trois sortes de caractères se distinguent principalement, chaque sorte conférant aux gens des talents particuliers :
- Il y a d’abord les hommes chez qui prédomine l’appétit, qui se montrent capables de beaucoup de dextérité pour satisfaire leurs envies et parvenir à leurs fins ; c’est pourquoi ils font de bons commerçants, aptes à enrichir la Cité ; c’est donc à eux que doit revenir la gestion des affaires économiques.
- Il y a ensuite les hommes chez qui prédomine la raison, qui se montrent capables de mesure et de sagesse ; c’est pourquoi ils font de bons dirigeants, soucieux de l’ordre, et sont aptes à le maintenir dans la Cité ; c’est donc à eux que doit revenir la gestion des affaires politiques.
- Il y a enfin les hommes chez qui prédomine la volonté, qui se montrent capables de bravoure mais aussi parfois de colère lorsque cela s’avère nécessaire à leur tâche ; c’est pourquoi ils font de bons guerriers et sont aptes à protéger la Cité ; c’est donc à eux que doit revenir la gestion des affaires militaires.
Mais les trois caractères que forment ces trois sortes de prédominances révèlent en fait, plus profondément, trois facultés, trois principes – ou, pourrait-on dire plus simplement, trois forces – qui coexistent dans l’âme de tout individu, et dont la répartition varie pour chacun :
- L’epithumia – mot grec signifiant désir, convoitise – qui est la part désirante de l’âme, siège de l’appétit, des passions et des affects : c’est l’epithumia qui irrigue l’âme, qui lui fournit sa force vitale. Elle peut être associée à la chair1.
- Le logistikon – mot grec signifiant raison – qui est la part rationnelle de l’âme, siège de l’intellect, capable d’accéder aux Idées : c’est le logistikon qui régule l’âme, qui lui donne l’ordre et la sagesse ; c’est aussi la part immortelle de l’âme, puisqu’il fréquente les Idées qui sont elles-mêmes éternelles. Il peut être associé à l’esprit.
- Le thumos – mot grec signifiant souffle, sang – qui est la part irascible de l’âme, siège de la volonté et du courage : c’est le thumos qui maintient l’équilibre entre l’epithumia et le logistikon, et qui, ce faisant, préserve l’âme. Il peut être associé au cœur.
Il pourra donc, dans toute âme, y avoir prédominance de l’une ou de l’autre de ces trois composantes : l’âme sera alors forte et animée si c’est l’epithumia qui domine, sage et posée s’il s’agit du logistikon, ou bien enfin solide et déterminée s’il s’agit du thumos. Mais, précisera Platon, jamais cette prédominance ne doit être excessive : car si l’une des composantes devient trop forte – ou les autres trop faibles, au point de se laisser écraser – alors l’âme entre en déséquilibre. Or, l’équilibre, dans la pensée platonicienne, n’est rien moins que le Bien. Car c’est de l’équilibre que naît toute harmonie : de l’équilibre des formes que naît la beauté, de l’équilibre des activités humaines que naît la prospérité, de l’équilibre des lois que naît la justice… et même de l’équilibre entre deux âmes, vouées l’une à l’autre, que naît la plénitude amoureuse2. C’est que l’équilibre, quel qu’il soit, rappelle à notre âme la tranquillité et l’éternité de l’Intelligible – ce monde immatériel où elle reposait, avant que nous ne naissions et n’ayons à vivre incarnés dans le monde sensible que nous connaissons depuis.
Or, si le déséquilibre s’installe dans l’âme, c’est à l’epithumia qu’il est dû le plus souvent : c’est lorsque la chair cesse d’être contenue que l’appétit devient démesuré, que les passions deviennent tyranniques… alors la chair se met à agir de façon déraisonnable et destructrice, et l’esprit y assiste, impuissant. Mais réciproquement, si l’epithumia faiblit à l’excès, l’âme se vide de ses forces et dépérit : que peut l’esprit dans une chair à l’agonie ? C’est pourquoi le thumos joue un rôle central dans la préservation de l’âme, quelque part à mi-chemin entre l’epithumia et le logistikon : c’est le cœur, en effet, qui assure cette tâche d’intermédiaire. C’est au cœur que revient – tel au guerrier, tel à l’élu des dieux – de veiller à l’équilibre : réprimer la chair au profit de l’esprit quand le désordre menace et que l’âme se met à céder ; lui redonner courage, au contraire, quand la chair faiblit.
L’un des mérites de cette conception est l’alternative qu’elle propose aux métaphysiques manichéennes : le bien ou le mal, tels que peut en parler un platonicien, ne seront jamais des entités concrètes et substantielles, qui existeraient ou agiraient en tant que telles. Il ne se dit pas chez Platon, par exemple, que la raison serait bonne et le désir mauvais, ni que l’esprit serait pur et la chair impure. Sa pensée n’est pas de ces pensées austères et tristes : le bien, c’est l’harmonie lumineuse et épanouie, qui n’exclut rien mais où chaque composante assume sa fonction et garde sa juste mesure. Il en va ainsi de toute chose, tel qu’il en va de l’âme.
La chair sans l’esprit dégénère.
L’esprit sans la chair dépérit.
C’est au cœur d’assurer l’équilibre.
Il suffit alors de glisser dans le rôle de la chair le féroce Ganondorf, dans celui de l’esprit la sage Zelda et dans celui du cœur le valeureux Link, et l’on réalisera sans peine que tout l’enjeu des jeux The Legend of Zelda prend racine dans une conception platonicienne de l’harmonie : comme équilibre tripartite. Qu’est-ce, après tout, que la quête du joueur selon la formule la plus habituelle d’un Zelda ? empêcher que le monde d’Hyrule ne sombre dans le chaos, suite au soulèvement du seigneur Ganondorf contre la princesse Zelda – de l’exacte façon dont le cœur, chez Platon, peut être amené à empêcher l’âme de sombrer dans le chaos quand les passions de la chair se soulèvent contre l’esprit.
Notes :
Dossier réalisé par Alexis Dayon, le 06 février 2014
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