LA, le temps d'un rêve
Une analyse de Link's Awakening, rêve éveillé tant pour Link que pour le joueur.
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De l’original à la DX
A l’origine, en décembre 1993, Link’s Awakening était sur Game Boy, en noir et blanc, ce qui rendait le graphisme un peu fade. Plus tard, il fut coloré, adapté sur la Game Boy Color, et réédité sous le nom de DX. Les paysages ont donc pris un autre aspect. Mais donner un simple « coup de gouache » n’aurait pas suffit pour relancer la vente. C’est pourquoi les graphistes ont inséré un donjon secret à la quête initiale, et, par la même occasion, rajouté un livre dans la bibliothèque. Ce donjon est basé sur les couleurs, et récompense les plus malins par un pouvoir de défense ou d’attaque permanente.
Quelques indications au niveau de la vente
6 millions d’exemplaires ont été vendus en tout, dont 2,2 millions de DX.
La part de vente de DX représente donc 36,6 % de la vente totale. Ainsi, en créant la version DX, les concepteurs ont multiplié la vente d’originaux (3,8 millions) par 1,46. C’est un bon système pour bien vendre.
La signification du Rêve
Entrons dans le vif du sujet dès maintenant. Déjà, essayons de comprendre le titre, Link’s Awakening, qui signifie « L’éveil de Link ». On ne sait pas bien à quoi correspond cette mystérieuse phrase, mais il est normal de ne pas en saisir le sens au début du jeu. En clair, on croit être échoué sur une île perdue dans la mer, et qu’il va suffire de construire un radeau de fortune pour s’en échapper, mais cette illusion cache en fait une réalité beaucoup plus complexe. Vers le commencement de l’aventure, un hibou se présente à Link, lui expliquant que pour quitter l’île, il devra réveiller le Poisson Rêve. On se pose immédiatement la question « qu’est-ce que c’est que ça ? » ; les réponses viendront en temps voulus, et donc pas maintenant. Votre périple sera ainsi axé sur la récupération d’instruments, appartenant autrefois aux sirènes, pour réveiller cet étrange personnage. Il semblerait que cette île ne soit qu’une illusion retenant Link prisonnier, mais là encore, il faudra attendre pour plus de renseignements.
Au cours de l’exploration des donjons, on découvre une stèle en pierre au fond d’un temple. Cette mystérieuse plaque n’est lisible qu’avec de la lumière, et donc un peu de poudre magique dans les torches éteintes fera l’affaire. Elle commence à révéler la vérité à Link : l’île n’existe que dans les songes du Poisson Rêve, et cette aventure n’est pas réelle. C’est à partir de là que l’on peut se pencher sur la question « Quels sont les bannières de ce rêve ? ».
En effet, il est très dur de voir que nous sommes dans un rêve, car l’île est en apparence normale et ne présente que peu de détails qui trahisse cette révélation, à part l’Œuf sacré. Qui n’a pas esquissé un sourire en apercevant cet œuf à pois rose dans l’introduction ? C’est en réalité une démonstration de l’aspect que peut avoir un rêve ; le grotesque. Le labyrinthe qui s’y trouve représente la complexité du rêve, et la difficulté de lutter contre lui. Link n’a aucun contact avec le monde réel pour se sortir de là, c’est pourquoi il va utiliser un souvenir pour obtenir l’ocarina, qui va l’aider tout au long de sa quête. Il y a toujours un moyen de s’éveiller lors d’un rêve normal, mais dans ce cas de figure, laisser faire les choses ne va pas arranger la situation. C’est à Link de réveiller lui-même le Poisson Rêve, en utilisant les huit instruments des sirènes et son propre ocarina, dans un morceau émouvant ; la Ballade du Poisson Rêve. Mais, il serait trop facile de procéder ainsi. Link ne peut quitter le rêve à cause d’un mal puissant qui s’est installé, confortablement, dans les songes du Poisson Rêve. Voyons… Quelle forme ténébreuse peut ainsi transformer un rêve ? Le cauchemar.
S’endormir, c’est prendre un risque, celui d’être traqué par cette calamité éternelle. Chacun le sait. Cette ombre tapie dans le noir de la nuit peut se plonger dans vos pensées à tout moment, et c’est une bonne idée d’avoir donné au cauchemar le rôle du malintentionné du jeu. Tout le monde redoute son propre cauchemar ; il est individuel, unique pour tout le monde. C’est donc celui du Poisson Rêve, mais il va aussi devenir celui de Link. Son nom est Maléficio. Lors de l’affrontement final, il retourne les pires souvenirs de Link contre lui, en en prenant la forme. On en dénombre ainsi six.
Sa première forme résume les monstres basiques par un Blob. La deuxième incarnation emprunte la forme du sorcier Aghanim. La troisième métamorphose évoque les boss sous la forme du maître du premier donjon. La quatrième mutation est la plus identifiable ; c’est Ganon. En cinquième, Maléficio redevient « normal », et charge à toute allure sur Link. La dernière forme qu’il prend est celle d’un monstre à longs bras et disposant d’un seul et unique œil. On peut supposer que c’est sa propre forme, la sienne, bien à lui. Pourtant, on peut discerner en cette incarnation les membres de Vaati, à savoir l’œil, et les bras… Ce pourrait-il que Nintendo ait déjà programmé Vaati ? Certainement pas ! En revanche on peut supposer que les concepteurs ont repris cette forme dans The Minish Cap et Four Swords pour établir les « correspondances », car elle ne rappelait aucun ennemi à l’époque. En clair, le cauchemar n’aurait pas de forme propre, mais on peut toujours ce pencher sur la question.
A sa mort, Maléficio précise que « son » monde va être détruit. Nous avons alors les explications tant attendues : les monstres empêchent Link d’obtenir les instruments des Sirènes pour qu’il ne puisse réveiller le Poisson Rêve. Maléficio n’existe et ne peut prendre forme que dans les rêves, et nulle part ailleurs.
La marque du fantastique
Le cauchemar ayant rendu l’âme, le Poisson Rêve se montre enfin ; c’est un une espèce de poisson avec des tapis sur le dos. Pourquoi tant de ridicule ? N’oubliez pas que vous êtes dans un rêve ! Il vous raconte son histoire, et vous demande de le réveiller. L’île disparaît alors peut à peu, en même temps que s’accomplit votre éveil, puis soudain, plus rien. Link se retrouve accroché aux débris de son bateau, le lendemain de la tempête. Seulement, votre quête a duré bien plus d’un jour ! Une seule explication possible ; vous avez tout imaginé. Cette pensée laisse Link méditer un long moment. C’est alors qu’apparaît le Poisson Rêve, éclipsant le soleil de toute sa longueur. Ce témoignage confirme l’existence de l’aventure de Link. Souvenez vous de vos cours de Français : le fantastique est une forme de récit, racontant une histoire incroyable, qui prend fin subitement, laissant le lecteur incertain, et le faisant douter de ce qu’il a lu. Et pourtant, des indices lui rappellent l’aventure, tout en laissant planer le mystère de la réalité de l’action. C’est exactement le même scénario qui se déroule à la fin du jeu.
Le mystère de Marine
Tout au long du jeu, Marine ne cesse d’encourager Link à réveiller le Poisson Rêve. Elle va même tenter de le faire elle-même, car c’est sa chanson qui est la clé de l’éveil, mais sans succès. On peut la considérer comme étant Zelda, mais ce n’est après tout qu’un rêve, et Zelda ne peut pas en faire partie. D’un point de vue graphique, si on observe Marine et Zelda en version OoA ou OoS, elles sont de même apparence, mais ce n’est qu’un détail. A présent, parlons d’un secret du jeu. Si vous avez la chance de finir le jeu sans recommencer une seule fois (j’y suis arrivé), on voit avant le générique Marine se transformer en mouette, vous remercier d’avoir joué le chant de l’éveil, et s’envoler au loin. Trois hypothèses sont alors possibles : Marine est Zelda, et elle aide Link à éveiller le Poisson Rêve ; Marine est une personne étant retenue, comme Link, sur l’île ; Marine a un cœur si pur qu’elle se matérialise sous la forme d’une mouette a la fin du jeu. Une seule hypothèse paraît réaliste : la troisième. Zelda n’est pas une mouette, et donc, la première supposition est étrange. Si Marine était retenue sur l’île, elle n’aurait pas de père, ce qui démontre le caractère insolite de la deuxième solution. La troisième reste la plus raisonnable, car à un certain moment de l’aventure, Marine vous fait part de son désir de se métamorphoser en mouette. On peut s’échafauder ainsi bon nombre de suppositions. En tout cas, son obstination à aider Link démontre qu’elle veut s’échapper de ce cauchemar.
L’épée Excalibur
La quête des coquillages permet d’obtenir l’épée n°2. Cette épée ressemble beaucoup à Excalibur par ses deux petits « ailerons » à sa garde. C’est peut-être la véritable Excalibur, revenue pour aider Link à combattre Maléficio, car sans cette épée ayant le pouvoir de terrasser le mal, le battre est plus difficile.
Pour conclure
Link’s Awakening reste donc une valeur sûre, au travers des âges. C’est un très beau titre qui met en relief de nombreuses choses insolites, et propose une belle réflexion sur le rêve. Rien n’est laissé au hasard dans ce jeu, et tout a une signification, ce qui incite le joueur à se poser des questions. C’est aussi un jeu suscitant de l’émotion. Le pincement au cœur ressenti lorsque Marine et l’île s’effacent en est le plus bel exemple. L’exemple d’une jouabilité incontournable, d’un scénario passionnant, d’une réussite en tous points.
Dossier réalisé par Zeilk, le 12 janvier 2006