Interview d’Oscar Lemaire - L’Histoire de Zelda

À propos de l'interview

Après l'annonce de la sortie de L'Histoire de Zelda, Oscar Lemaire a accepté de répondre à nos questions concernant le livre, mais aussi son rapport à la série.


Début décembre 2016, les éditions Pix’n Love ont annoncé pour le premier trimestre de l’année 2017 la sortie de L’Histoire de Zelda : 1986-2000 — Les origines d'une saga légendaire. Oscar Lemaire, journaliste spécialisé dans le jeu vidéo pour des sites tels que Gamekult ou The Game, propose via cet ouvrage de revenir sur les débuts de cette série vidéoludique que nous aimons tant. Nous avons pu l’interviewer par rapport à L’Histoire de Zelda mais aussi par rapport à ce qu’il pense de la série, que ce soit sur son passé ou pour son futur avec Breath of the Wild.

L’interview a été réalisée par Alice Lee le 17 décembre 2016.


Vous êtes un journaliste travaillant avec bon nombre de sites et de magazines de jeux vidéo. N’est-ce pas impressionnant de se lancer dans la rédaction d’un ouvrage de 300 pages évoquant une série aussi importante que Zelda ? D’ailleurs, pourquoi avoir choisi Zelda et pas une autre série ?

Pour être honnête, ce projet est parti d’une proposition de Pix’n Love plus que d’une initiative personnelle. Mais étant très attaché à la série, ça s’est fait naturellement et la décision de me lancer dans une telle aventure s’apparentait à une évidence en ce qui me concerne. J’ai par nature tendance à vouloir aller au bout des choses quand je me lance dans un sujet, donc même si travailler sur un livre représente une masse de travail qui peut parfois être éreintante, c’est quelque chose qui me donne beaucoup de plaisir.

Vous avez également coécrit par le passé L’Histoire de Mario vol.2 — 1990-1995 : La Guerre des Mascottes. On peut donc voir en la rédaction de L’Histoire de Zelda une sorte de suite logique, pour diverses raisons. Y a-t-il des ressemblances ou des différences dans le processus d’écriture entre L’Histoire de Zelda et celle de Mario ? Est-ce que L’Histoire de Mario vol.2 a eu une influence sur le livre à paraître ?

En fait, cet ouvrage sur Zelda partage davantage de similitudes avec le premier volume de L’Histoire de Mario — sur lequel je n’ai pas travaillé — qu’avec le deuxième volume consacré à la Guerre des Mascottes, qui traite finalement davantage du contexte concurrentiel propre à la génération 16-bits que des jeux Mario. Au-delà de ça, le processus d’écriture est aussi très différent de par le fait que je travaille seul sur L’Histoire de Zelda. Et c’est d’ailleurs probablement la plus grande influence qu’a pu avoir La Guerre des Mascottes sur ce livre : travailler avec William Audureau, qui a une importante expérience en tant que journaliste et surtout en tant qu’auteur, avec plusieurs livres à son actif, m’a beaucoup appris.

Au cours de la rédaction de L’Histoire de Zelda, vous avez très sûrement appris des choses sur la série. Avez-vous eu des surprises auxquelles vous ne vous attendiez pas ? L’écriture de L’Histoire de Zelda a-t-elle été aisée ou avez-vous rencontré des difficultés — plus ou moins prévisibles ?

Je tiens d’abord à préciser qu’en l’état, l’écriture de L’Histoire de Zelda n’est pas encore terminée, donc je ne peux pas vraiment vous donner de réponse définitive à ce sujet, même si l’ensemble est déjà bien établi et que mon travail devrait se terminer d’ici quelques jours. En février dernier, j’ai réalisé un gros article pour Gamekult consacré à la série, à l’occasion des 30 ans, qui m’avait déjà occupé pendant un bon mois à temps plein. J’ai pu m’appuyer là-dessus ainsi que sur un article consacré au premier épisode pour Pix’n Love publié dans leur dernier mook. Ça m’a permis d’appréhender le projet de ce livre sereinement, en sachant très bien où j’allais et en ayant finalement peu de surprises. J’ai quand même eu droit à une grosse déconvenue avec un disque dur contenant environ 500 Go de vieux magazines numérisés, cruciaux pour mes recherches et que j’avais mis plusieurs mois à réunir, qui m’a lâché. Ça a retardé ma progression et je ne suis pas encore totalement sorti de ce calvaire, mais on fait avec.

Pour écrire L’Histoire de Zelda, vous avez utilisé un certain nombre de documents pour appuyer votre propos. Les renseignements ont-ils été pris directement auprès de Nintendo ou avez-vous utilisé d’autres ressources pour enrichir votre documentation ?

Il est très difficile d’avoir un soutien de la part de Nintendo pour ce genre d’ouvrages. Les entretiens avec les développeurs, que ce soit pour n’importe quel éditeur mais peut-être plus encore avec Nintendo, sont très réglementés, et sont d’autant plus difficiles à obtenir avec une société japonaise qui n’envoie pas facilement ses employés rencontrer la presse internationale et encore moins européenne. Pour faire simple, obtenir une interview avec un développeur de Nintendo n’est envisageable que dans le cadre d’une promotion d’un jeu récent, et le contexte d’un livre consacré à une époque antérieure n’est pas suffisant pour décrocher un entretien.

Fort heureusement, il y a énormément de ressources pour palier à ce manque. Si Nintendo a le désavantage d’être une entreprise difficile d’accès pour obtenir des informations, elle a l’avantage d’en donner pas mal publiquement et de manière très intéressante. C’est un point sur lequel Satoru Iwata a beaucoup apporté avec ses Iwata Asks, qui sont une ressource précieuse, très utile pour ce livre. Et c’est un héritage qui perdure même après la mort d’Iwata : récemment, Nintendo a publié des entretiens consacrés aux deux premiers Zelda, à l’occasion de la sortie de la Nintendo Classic Mini: NES et des 30 ans de la série. L’atout de ce genre de ressources, c’est que contrairement à une interview réalisée par un journaliste, l’interviewé n’est pas dans un cadre promotionnel et les questions étant posées indirectement par son employeur, il est plus détendu pour se confier et ose évoquer les problèmes qu’il a rencontrés.

De fait, plutôt que de la prospection, mon travail s’apparente plus à de la recherche, à retrouver de nombreuses interviews d’époque pour aboutir à un puzzle à reconstituer avec tout ça. Une grosse partie de ce travail passe par de la documentation dans la presse d’époque, qu’elle soit française, britannique ou américaine, et même un peu japonaise. Et ça ne s’arrête pas qu’aux interviews, c’est aussi retrouver comment la presse d’époque couvraient les jeux Zelda et comment ils ont été accueillis. En résumé, c’est un gros travail de synthèse.

Évidemment, cela amène parfois à quelques frustrations, à des points qu’on voudrait éclaircir sans en avoir les moyens. Le principal problème que j’ai eu à ce sujet, c’est le mystère qui entoure Yoichi Yamada et que j’évoque dans le livre. Il s’agit du coréalisateur de Zelda II, et aux dernières nouvelles, il est toujours un employé de Nintendo qui a occupé des postes clés pour la quasi-intégralité des épisodes de la série. Il est réalisateur assistant d’A Link to the Past, s’est occupé des donjons de Link’s Awakening, l’un des réalisateurs des Zelda de la 64, et de nouveau réalisateur assistant ou un poste équivalent pour les épisodes qui ont suivi, The Wind Waker, Twilight Princess, Skyward Sword, A Link Between Worlds, et probablement Breath of the Wild. C’est un véritable homme de l’ombre, jamais présent pour les interviews et il n’a jamais participé à un Iwata Asks. Même dans la récente interview consacrée à Zelda II, publiée sur le site japonais de Nintendo, il n’y a que Tadashi Sugiyama, l’autre réalisateur du jeu, sans même que le travail de Yamada soit évoqué. Mais d’une certaine manière ça apporte aussi une dose de mystère intéressante.

Depuis plusieurs années, on assiste à la publication de multiples ouvrages ayant un rapport avec les jeux vidéo. Pour Zelda, il est difficile de ne pas parler d’Hyrule Historia quand on aborde le sujet, ou encore de Chronique d’une saga légendaire, sans doute plus proche de ce que proposera votre ouvrage. En quoi L’Histoire de Zelda va être différent de ces livres publiés précédemment ?

Effectivement, c’est davantage proche de Chronique d’une saga légendaire que d’Hyrule Historia. Ce dernier a les avantages et les défauts d’un ouvrage officiel, à savoir qu’il est rempli d’images et qu’il en résulte un très beau livre, mais qui souffre d’une volonté promotionnelle donnant un peu trop d’importance à Skyward Sword et se retrouve avec très peu de texte. Quant à Chronique d’une saga légendaire, l’angle est différent. Dans la lignée de ce qu’ont l’habitude de faire Mehdi et Nicolas [NDLR : Medhi El Kanafi et Nicolas Courcier, les auteurs de Zelda : Chronique d’une saga légendaire], c’est un livre qui donne une grande importance à l’interprétation de l’univers et ainsi de l’analyse à travers cet aspect. Même si c’était aussi quelque chose de couvert dans leur livre, L’Histoire de Zelda donnera davantage d’importance à la façon dont les développements des jeux se sont déroulés, ainsi que sur le traitement de la presse. L’angle principal du livre, c’est de comprendre comment Zelda est devenu une référence, que ce soit à travers sa conception mais aussi son accueil par le public et la presse.

L’Histoire de Zelda, qui va sortir au premier trimestre 2017 chez Pix’n love, a comme sous-titre : vol.1 1986-2000 — Les origines d’une saga légendaire. D’autres volumes sont-ils prévus pour couvrir la période s’étalant des années 2000 à nos jours ? Sont-ils déjà écrits ou sont-ils en cours de rédaction ? Une date — très hypothétique bien sûr — de sortie est-elle déjà envisagée ?

L’écriture n’a pas encore débuté, mais il y aura bien un deuxième tome. Alors je préfère prendre des pincettes parce que l’expérience de L’Histoire de Mario m’a montré que ce genre de choses peut évoluer au fur et à mesure de la rédaction, mais a priori le second tome ira de 2001 à 2017, et se conclura sur Breath of the Wild. Je préfère ne pas vous donner de date pour l’instant, mais la principale contrainte repose donc forcément sur la sortie de ce dernier, et la nécessité d’avoir un minimum de recul dessus.

Avez-vous déjà pu voir le rendu final de L’Histoire de Zelda ?

Comme l’écriture n’est pas terminée, forcément, non. Notez que si le visuel de la couverture diffusé par Pix est a priori définitif, certaines choses ne le sont pas. Le sous-titre sera probablement différent, et s’il a été annoncé comme un livre de 300 pages, il en fera sans doute plus.

Interview réalisée par Alice Lee, le 18 décembre 2016

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À propos de l'autrice :
Passionnée d'Histoire, vous me trouverez sûrement au milieu de vieilles pages où on écrivoit bizarrement et avec des lettres en patte de mouche ou en train de jouer en cachette à The Wind Waker HD.