Étude de la musique des donjons de « Link’s Awakening »

Niveau 1 : Cave Flagello (La piste boucle à 1:30.)

Le thème « Niveau 1 : Cave Flagello » commence immédiatement avec une exposition du motif bleu :

La manière dont la piste commence montre clairement au joueur la différence entre celle‐ci et le thème des grottes. La figure grave et répétée à la basse donne à cette version de la mélodie un caractère bien plus sérieux. Là où le motif bleu était par essence plus léger et malicieux, cette fois, la mélodie est presque menaçante, lugubre — et en tant que joueur, vous comprenez immédiatement qu’il s’agit d’une zone bien plus dangereuse qu’une simple grotte. La phrase entière du motif bleu se poursuit jusqu’à 0:32, puis cette même phrase se répète à nouveau.

Ensuite, à 1:04, on arrive à la deuxième partie de la piste — une figure hantée, rampante et répétée qui se superpose à la basse lugubre de tout à l’heure :

Ici, surligné en rouge, on a enfin l’apparition du triton — à travers la relation entre le fa bécarre de la figure répétée et le si de la basse.

Mais il y a autre chose qui se produit ici — pendant que vous écoutez ce passage, notez les changements de timbre et de nuances de la figure répétée. Les notes répétées sont constamment en train de passer du net au flou — les compositeurs ont programmé les variations de volume pour qu’elles coïncident avec les variations de longueurs de notes, et on obtient ainsi une excellente variante de l’« effet Dents de la mer ».

Niveau 2 : Grotte du Génie (La piste boucle à 0:56.)

La grotte du Génie est le second donjon dans la bande‐son, et pour la première fois, on n’entend pas immédiatement le motif bleu. À la place, on entend ceci :

Je pense que ce qui est immédiatement perceptible ici est en réalité l’« effet Dents de la mer », et la façon dont la note aiguë répétée passe sans cesse du net au flou, en commençant de manière silencieuse et fragile avant de rapidement monter en puissance jusqu’à comme une sorte de son d’alarme (0:00 à 0:02). Remarquez, aussi, comment la note répétée commence par jouer à un rythme de huit notes par temps (ou triples croches), mais quand le volume maximum est atteint, la vitesse de répétition se réduit de moitié pour donner des doubles croches — dans ce cas, c’est la dilatation du temps en plus des changements de nuances qui créent l’« effet Dents de la mer ».

Ce qui est moins perceptible concernant la phrase de la note répétée, c’est ceci :

Quand la vitesse de la note répétée se réduit de moitié, une deuxième note vient en réalité se greffer en dessous d’elle — à un intervalle de triton, ce qui constitue notre motif rouge.

La phrase ci‐dessus se répète deux fois avant que l’on arrive enfin à notre motif bleu, cette fois à la basse :

Remarquez comment, une nouvelle fois, la fréquence des interactions entre le bleu et le rouge est multipliée par deux dans la dernière mesure ci‐dessus, et comment les motifs bleus continuent à monter dans l’aigu jusqu’à l’apogée à la fin de la phrase. L’élément clé à apprécier ici, c’est la façon dont chacun des éléments musicaux contribue en quelque sorte à faire monter la tension via l’« effet Dents de la mer ».

Ensuite, à 0:35, on passe à la seconde moitié de la piste, caractérisée par l’ostinato menaçant de la basse. [N. D. T. — Un ostinato est une courte forme mélodique ou rythmique qui se répète en boucle, obstinément.] Encore une fois, le premier élément immédiatement perceptible de la piste de basse est l’« effet Dents de la mer », cette fois‐ci créé en rallongeant et en raccourcissant progressivement les longueurs de notes corrélativement aux variations de nuances. À 0:40, on a de nouveau le motif bleu, en alternance avec une étrange figure mélodique qui imite la ligne de basse (et ressemble étrangement au thème « Ghost House » de Super Mario World), avant que la piste finisse par boucler pour revenir au début.